Traité de Lisbonne : au secours, le peuple revient !

Publié le par Pour la République Sociale


Imaginons qu'un journal Pro-Chavez ait titré, quelques jours avant la tenue du récent référendum sur la constitution vénézuélienne : « Pourquoi il ne faut en aucun cas faire de référendum sur la constitution vénézuélienne ». On imagine le tollé. On y aurait vu la preuve irréfutable que Chavez est un dictateur qui refuse de se plier à la volonté du peuple. Or une telle proposition a été formulée non par un partisan de Chavez, mais par Jean Quatremer, journaliste à Libération, qui a publié sur son blog, à propos de l'Europe, un article titré : « Pourquoi il ne faut en aucun cas faire de référendum sur le traité de Lisbonne ».
Jean Quatremer est de ceux qui ne se sont jamais remis de la victoire du Non, lors du référendum de 2005. Comme toute l'élite journalistique (ou presque), il était pour le Oui. C'était d'ailleurs son droit le plus strict. En revanche, comme bien d'autres, il s'illustra alors par sa participation active à la campagne qui tendait à prouver que tout partisan du Non était, au mieux, un antieuropéen convaincu, et au pire, un nationaliste chauvin et vaguement fasciste.

Tout le monde ayant le droit se tromper, on aurait pu croire que Quatremer saurait tirer quelque leçon d'un épisode ayant illustré la coupure entre les intellectuels d'en haut, ceux qui connaissent les arcanes du Bien et du Mal, et les autres, ce vulgum pecus de la chose politique. Eh bien, pas du tout. Le Quatremer 2007 est la copie conforme du Quatremer 2005.
Que dit-il pour justifier son refus du référendum ? Que le projet de Constitution n'existe plus, qu'il a été remplacé par un « traité », lequel « n'est juridiquement plus le même ». Pourtant, reconnaît-il, « il est clair que la plupart des dispositions du nouveau traité ne sont qu'une reprise pure et simple de la défunte Constitution rejetée par les Français » (ce qui exact). Mais peu importe, poursuit Quatremer, car une éventuelle victoire du Non « signifierait la fin de la construction communautaire ». Il en conclut qu'il ne faut donc pas organiser de nouveau référendum, sauf à poser la question de « l'appartenance de la France à l'Europe ». On en revient ainsi au précepte de départ : le Non au projet de Constitution était forcément un Non à l'Europe, et le Non éventuel au Traité de Lisbonne serait à classer dans le même sac d'infamie.

Etonnant raisonnement. En fait, peu importe ce que l'on pense du traité de Lisbonne. Peu importe que l'on soit un inconditionnel du Oui (comme Quatremer) ou un partisan du Non (comme l'auteur de ces lignes). Cela fait partie du débat pluraliste. En revanche, il est une interrogation incontournable : peut-on revenir sur le choix du peuple sans le consulter ? C'est une question de démocratie, la seule qui se pose aujourd'hui, et à laquelle on ne peut répondre en prêtant des desseins cachés à ceux dont on suppose qu'ils ne vont pas bien voter.
Sinon il faut aller au bout de la démarche, en finir avec le suffrage universel, et instaurer une nouvelle forme de suffrage censitaire, où le droit de vote serait réservé non plus à ceux qui ont de l'argent, mais à ceux qui ont le Savoir.
Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction de Marianne.

Publié dans Opinion

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