Fauteur de crise

Publié le par Pour la République Sociale

Certes, il a admis quelques erreurs. Mais il n’a pas dit lesquelles ! Sarkozy s’est ainsi offert à peu de frais d’abondants commentaires médiatiques sur son soudain changement de ton et son humilité toute fraîche au sortir de son entretien télévisé de jeudi dernier. En réalité, il a décliné toute responsabilité sur l’essentiel en mettant les lourdes difficultés économiques du moment sur le compte « d’éléments indépendants de sa volonté », comme la baisse du dollar ou encore la crise des subprimes américains. Sarkozy a pu dès lors annoncer son intention de continuer la même politique économique. Or, contrairement à ses allégations, cette politique économique, dominante en Europe, est justement l’une des causes de la crise actuelle.

Premier événement : la baisse du dollar. Sa cause principale réside dans les déséquilibres commerciaux mondiaux qui voient les États-Unis vivre au crédit du reste du monde, et provoquent une accumulation de réserves en dollars gigantesques dans les pays fournisseurs. Or, ce déséquilibre provient du fait  que la progression de la consommation américaine est très largement supérieure à celle des autres zones du monde, inclus l’Union européenne. Dès lors, le consommateur américain fait tourner l’économie du monde entier ; mais ce faisant, la balance commerciale américaine ne cesse de plonger (plus de 700 milliards de dollars de déficit annuel) et le dollar en subit les conséquences. Or, l’atonie de la consommation européenne est une conséquence directe des politiques menées par la Commission européenne et la majorité des gouvernements européens : accroissement des revenus des actionnaires par rapport à ceux des salariés, obsession portée à la « réduction du coût du travail » et à la remise en cause des systèmes de protection sociale.
Fait aggravant pour l’Europe et pour la France, la baisse du dollar s’exerce surtout au détriment de l’euro. On en connaît la raison. D’abord les pays émergents comme la Chine n’ont pas commis l’erreur  de se désintéresser du taux de change de leur monnaie et de confier celle-ci à une instance indépendante. En conséquence, ils contrôlent la parité de leur monnaie avec le dollar. Ainsi le yuan n’augmente que lentement à mesure que l’accroissement de la compétitivité de l’économie chinoise  le permet. En outre, l’indépendance de la Banque Centrale Européenne est aggravée par le fait que celle-ci ne se préoccupe que d’une chose, l’inflation. Sa politique de taux d’intérêts élevés amplifie donc la hausse de l’euro. En la matière, Nicolas Sarkozy a une responsabilité écrasante. Après avoir annoncé dans la campagne présidentielle une « grande offensive diplomatique » contre l’euro fort, il est allé piteusement faire allégeance à la BCE, et il a négocié un traité européen qui ne change pas une ligne au statut désastreux de la BCE.

Deuxième événement soi-disant « indépendant de sa volonté » : la crise des subprimes américains. Là encore ce désastre ne tombe pas du ciel. Pour réussir à doper la consommation des ménages sans améliorer les salaires, les autorités états-uniennes ont encouragé depuis 2002 une politique de large accession à la propriété par l’endettement. Elles ont donné par exemple la possibilité aux ménages de s’endetter à proportion de la valeur de leur maison sur le marché. La hausse continue des prix a donc facilité l’endettement, lequel a contribué à la hausse des prix… Or, c’est justement ce cercle infernal que Sarkozy cherche à importer en France. C’est le sens de ses  mesures  de défiscalisation des intérêts d’emprunts  mais aussi de ses projets de réforme du crédit immobilier. Cette politique conjuguerait un désastre social (3 millions de personnes pourraient perdre leur logement aux USA) à une déroute économique. Les pays qui ont assis leur croissance économique sur l’immobilier subissent en effet de sérieux revers. L’économie britannique vient de connaître au premier trimestre son chiffre de croissance le plus faible depuis trois ans. L’Espagne a vu ses prévisions de croissance pour 2008 réduites d’un tiers (ce qui l’amènerait à la plus faible croissance depuis 15 ans) et le pays vient d’enregistrer la plus forte hausse mensuelle du chômage depuis 15 ans.

La crise économique actuelle n’est donc pas « indépendante de la volonté » des gouvernements. Ceux-ci peuvent agir pour rééquilibrer l’économie mondiale et relancer la croissance européenne. Mais cela implique une autre politique, combinant relance de l’investissement public, relance de l’investissement productif par la lutte contre la financiarisation, relance de la consommation par la progression des salaires. Bref, tout à fait l’inverse de ce qu’a annoncé jeudi soir Nicolas Sarkozy. Alors que la consommation des ménages français a déjà chuté de 1.7 % en mars, il continue de refuser de revaloriser le SMIC, à vouloir aggraver la précarité des travailleurs par la réforme des retraites, à dépecer l’État. Une telle politique permet peut-être aux plus riches de ne pas sentir la crise, mais elle l’aggrave à coup sûr pour tout le pays.

 François Delapierre


Publié dans prs69

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